The first book of medieval Latin beast epic, Ysengrimus, relates imaginary trials. In the episodes of the stolen ham and the fishing, the characters, Ysengrin and Renart, imagine that they would convene an ecclesiastic assembly, a synod, and that they would plead their case. Their plead reverses right and wrong (translatio criminis), invents speeches to denigrate each other (sermocinatio), and seems to take the form of large digressions. These speeches, which have been considered as “interminable” and “wordy” by J. Mann and É. Charbonnier, can be reassessed through classical rhetoric. This paper aims to demonstrate that, in spite of the extent of these speeches' apparent rambling, we can extricate some rhetorical structures (constitutiones) from the judicial oratory. This is the first point of a speech that also uses prolixity as an “art of being right.”
Le livre premier de l'Ysengrimus, épopée médiévale latine, présente un jeu de scène-miroirs évoquant un procès imaginaire. L'épisode du jambon dérobé par Ysengrin au mépris des règles du partage et celui de la pêche à la queue amènent le personnage accusé à convoquer en pensée un synode devant lequel il plaiderait sa cause. Ce discours inverse la raison et le tort (translatio criminis), attribue au requérant des paroles qui discréditent sa requête (sermocinatio) et semble se perdre dans les replis d'une argumentation spécieuse. Modèles emblématiques d'une expansion de la parole « interminable » et « verbeuse » selon J. Mann et É. Charbonnier, ces discours peuvent être réévalués par le prisme de la rhétorique. La visée de ces pages tient à montrer qu'en-deçà d'un flot de paroles en apparence sans esprit de suite se révèlent des structures rhétoriques (constitutiones) empruntées au champ judiciaire. En ce sens, l'héritage antique apparaît comme le premier versant d'une efficacité oratoire dont le second consiste en une prolixité à valeur de diversion: ainsi se construit un « art d'avoir toujours raison ».